jeudi 20 décembre 2012

Exil fiscal : les pauvres se rebiffent !

Publié le 19 décembre 2012 sur le site Boulevard Voltaire

Depuis que notre flamboyant Depardieu a fini par franchir le Rubicon pour rejoindre ses copains de l’autre rive – celle où l’herbe est plus grasse et où on ne vient pas vous la faucher sous le nez –, on ne parle plus que de ça : l’exil fiscal des riches.

 
Et les pauvres, alors, ils puent ? Non content de leur avoir compté fleurette et assené les plus infamantes désillusions sur le changement en chantant, leur dénierait-on maintenant jusqu’au droit – le plus élémentaire – au statut d’exilés fiscaux, qu’on accorde par ailleurs si généreusement à leurs opulents et célèbres compatriotes ? Les accablerait-on d’un tel mépris qu’ils ne puissent même être récipiendaires de la très élitiste déchéance de nationalité ?

Face à cette ignominieuse discrimination, saisissons la Halde !

Parce que, soyons clair, les pauvres, ils s’exilent aussi, et tout pareillement aux riches, ils cessent dès lors d’engraisser le petit collecteur de Bruxelles qu’il est convenu d’appeler le fisc français. Et il ne s’en plaint pas, l’expatrié pauvre, d’être ainsi défiscalisé, car même non-imposable, impossible dans notre cher pays d’échapper à la TVA et aux surcoûts divers et variés qui y rendent la vie courante prohibitive, avec pour toute contrepartie des interdictions qui s’enchaînent.

Un riche qui voudrait se la jouer bon-citoyen-bon-contribuable, on lui sucre le permis, il pourra toujours se payer un chauffeur – et, pour notre Gégé national, indépendamment du cas susdit, c’eût été d’élémentaire précaution. Le riche, s’il a envie de s’en griller une pour faire la nique aux ayatollahs de la bien-portance, il trouvera toujours une terrasse chauffée accueillante au café à 6 € où il pourra cloper. Et pour la baise en liberté, nonobstant madame Najat Vallaud-Belkacem, il y aura toujours pour lui un Carlton dispo dans quelqu’une de nos belles provinces.

Le pauvre, il ne lui reste que la téloche dans sa soupente ou les pieds pour protester. Alors il en use, de ses pieds, croyez-le bien : deux millions de Français expatriés et une hausse de 130 000 par an – au bas mot –, des résidents français qui ont doublé en Thaïlande depuis 2005, et il n’y aurait que des riches qui partent ?

Bon, c’est vrai, tout dépend de l’étiage – on est toujours le pauvre de l’un et le riche de l’autre – mais, quand bien même, il n’y a pas deux millions de Depardieu exilés ! Et puis, tenez, Monsieur le ministre du Budget à qui il ne faut pas en compter, dites-nous donc ce qui grève le plus nos ci-devant plantureuses finances : une vedette des écrans qui vous a laissé en gage vignobles et scooter, ou cent mille rombiers qui émigrent avec leurs petites économies ?

Et si le choix de l’expatriation n’était que l’ultime option patriotique et rebelle des démunis face à la piètre gouvernance de vos semblables ?

Car, gens d’en haut de toute obédience et qui n’avez de nationaux que les fauteuils sur lesquels vous êtes assis, si vous les écoutiez un peu ces humbles Français qui s’exilent, vous entendriez peut-être leurs griefs : trop de taxes et de moins en moins de libertés ; une folie redistributive dont il y a belle lurette qu’ils n’en sont plus les bénéficiaires.

Oui, n’en déplaise à vos préjugés, riche ou pauvre on peut ne pas avoir envie de contribuer à votre système, et préférer frayer chez les autres avec des étrangers d’élection que chez soi avec d’aucuns qu’on n’a pas choisis.

Voyez, il n’y a pas que les riches qui esquivent vos règles coûteuses et liberticides en émigrant, alors assez de discrimination, déchéance de nationalité pour tous les exilés récalcitrants, sans distinction de fortune, égalité !