Le tourisme en Thaïlande a encore battu des records avec
26,7 millions d’entrées comptabilisées pour l’année 2013 et, cependant, des
signes avant-coureurs d’un durcissement de ses conditions d’accès se font jour,
comme si le royaume pourtant familier d’une présence étrangère lucrative
regimbait soudain sous l’aiguillon d’une injustice dont il s’était longtemps
accommodé mais qu’il estimerait dorénavant incongrue. Ce pays traditionnellement accueillant semble en effet
s’agacer de ne pas être toujours payé de retour. La France semble particulièrement
sur la sellette et il n’y a bien que les troubles politiques à Bangkok pour lui
masquer encore le désamour qui la touche.
L’administration thaïlandaise détermine discrétionnairement
les pièces à fournir pour l’obtention des visas et il ne nous appartient pas
d’en juger, mais, au vu des dernières déclarations de ses responsables, on
découvre une exigence d’équité nouvelle qui pourrait bien porter à conséquence. Ainsi, dès octobre dernier, la Thaïlande examinait la mise
en place pour début 2014 d’une taxe d’entrée de 500 Bahts pour les touristes.
Motif invoqué : se prémunir contre les frais engendrés par les étrangers
sans ressources. Soucieux du budget de ses hôpitaux, ce fut le ministre de la
Santé qui fit l’annonce, arguant qu’ « il
était maintenant temps [pour la Thaïlande] d’avoir des touristes de qualité » et ajoutant que « de nombreux pays pratiquaient déjà ce
droit d’entrée ».
À la mi-décembre, c’était le chef de l’Immigration qui s’y
collait. Constatant que les demandes de visas étaient complexes et onéreuses
pour les ressortissants thaïlandais souhaitant se rendre dans 17 pays dont le
nôtre, le lieutenant-général de police Panu Kerdlarpphol recommandait
officiellement au ministère des Affaires étrangères de revenir pour ceux-ci sur
la gratuité des séjours n’excédant pas un mois afin d’en établir un prix sur
des critères de réciprocité, les montants pouvant alors varier de 700 à 3.900
Bahts. Après la prise de conscience, la punition ?
Les Thaïlandais sont capables de voir et d’entendre. Nos
compatriotes qui ont voulu inviter une relation thaïe en France le savent, nos
services consulaires qui délèguent à des intermédiaires locaux le soin de
vérifier la bonne conformité des dossiers à leurs conditions draconiennes et
coûteuses ne sont pas avares de tracasseries plus ou moins élégantes, avec à la
clé une décision rendue en toute opacité.
Notre « contrôle rigoureux de l’immigration »
exercé envers ceux qui nous accueillent courtoisement peut légitimement
s’apparenter à une mesure vexatoire au regard de leur propre ouverture et du
traitement laxiste réservé chez nous à d’autres étrangers, entrés ceux-là en
toute illégalité. Nos chers « Roms » popularisés par la désormais
célèbre Léonarda sont là pour le rappeler aux intéressés. Deux poids, deux
mesures, donc, que rien ne saurait justifier.
Alors, plutôt que d’avoir bientôt à renâcler devant des représailles
prévisibles, ne serait-il pas judicieux de prendre les devants en nous
inspirant nous-mêmes de l’actuelle politique d’immigration de la Thaïlande
avant qu’elle ne change ? Liberté de circulation réciproque, aides et
prestations diverses réservées aux nationaux et application stricte de la loi
ne procèdent-elles pas d’un sage respect mutuel des bonnes manières ?
Mais il est vrai que la sagesse n’est pas de nos jours la vertu
la mieux partagée chez nos gouvernants.