Que le projet de « mariage gay » soit un faux nez pour
un changement autrement plus profond de notre société, cela n’étonnera que les
naïfs. Qui s’intéresse peu ou prou au grand chambardement des valeurs qu’a subi
la France ces dernières décennies sait bien que l’acharnement de ses dirigeants
à promouvoir des « réformes sociétales » serait bien incongru si
celles-ci ne s’inscrivaient pas dans cette planification niveleuse, planétaire,
qui vise à imposer à tous des règles prétendument égalitaires afin d’engendrer
un consumérisme effréné.
Le « mariage pour tous » n’y échappe pas. En dépossédant
les « gays » de leur histoire qui les affranchissait d’un certain
conformisme bourgeois, on les réduit à une part de marché bien identifiée ;
ils rentrent dans le rang des petits soldats de la croissance, censée assurer
bonheur et prospérité.
Que la France ne soit pas seule dans cette voie baroque, c’est
logique et c’est même un des arguments avancés par les soutiens du projet de
loi : regardez autour de nous tous ces pays qui ont franchi le pas !
Notons bien que ces États qui veulent obsessionnellement
« marier les gays » sont aussi les mêmes qui voient la proportion des
couples mariés y décroître significativement au profit d’unions libres. Chez
nous l’exemple vient d’en haut.
Car qu’en est-il au juste ?
On nous explique qu’après avoir signifié l’union des
familles et l’assurance de leur pérennité, le mariage consacre aujourd’hui
l’amour. Mais, vidé ainsi de toute substance sociale, il est tel
l’électroménager chinois : il est programmé pour tomber en panne. Qu’un
couple s’aime, c’est tout naturel. Mais on entend par là dorénavant que le mari
concilie avec son épouse le respect dû à la mère des enfants, la passion que
suscite une maîtresse, et les cabrioles sexuelles qu’il n’aurait pratiquées autrefois
qu’au bordel. Le mariage moderne, donc, c’est comme le café soluble, du « trois
en un ». Et l’on argutie sur l’explosion des divorces ! La saveur de
cette mixture s’altère bien vite décidemment.
Et c’est ça qu’on nous présente comme un modèle à
suivre ?
C’est pour cette cause dégradée et dans un but mercantile
que nous devrions pasticher l’hétérosexualité, qu’il nous faudrait nous aussi devenir
pourvoyeurs de foyers fiscaux ?
Du vagabondage libre-échangiste, nous voilà donc recadrés
dans la grande marche civilisatrice du libre-échange !
Et si l’on élève la voix contre cette supercherie, on nous
assène du poids des médias unanimes qu’on le « revendique » ce mariage,
que nous aussi nous réclamons à grands cris le droit aux scènes conjugales, aux
cris des bambins et au divorce. La preuve ? Les mots d’ordre de la
dernière « Gay Pride ».
Vous êtes-vous déjà rendus à cette manifestation ?
L’immense majorité des participants n’en attendent qu’un
moment festif, quand ce n’est pas tout simplement jouissif par l’opportunité
des rencontres qu’elle peut procurer. Quand on y va, ce n’est pas pour écouter
s’époumoner des bobos crédules ou stipendiés d’organisations autoproclamées
représentatives, c’est pour s’amuser et draguer.
Et la drague, voilà bien ce qui n’est plus sexuellement
correct aux yeux de nos protecteurs-moralisateurs qui veulent nous mettre la
bague au doigt !
Les « pédés » se fricotant dans les buissons, à
l’affût dans les gares des appelés du contingent – ou, à défaut de nos jours, des
migrants en déshérence –, louant à l’occasion les services d’éphèbes
compréhensifs, cela commençait à faire désordre. Ramenons vite tous ces homos
en rut dans la voie sereine d’un foyer marital, nous aboient-ils dans les
oreilles avec leur projet de loi !
Sous ce régime, Montherlant et Peyrefitte auraient fini
leurs jours en prison, les lendemains de Gide ou de Genet n’auraient guère
mieux valu et Pasolini aurait croupi dans une arrière-salle de MJC pour n’avoir
jamais trouvé de producteur.
Alors, s’il vous plaît, législateurs du burlesque, occupez-vous
plutôt de votre CAC40 et du défunt triple A et laissez en paix nos poches et
nos braguettes. Restituez à Paris ses vespasiennes si vous voulez vous rendre
utiles et, surtout, laissez-nous jouir de la vie à notre gré !