Lundi
15 octobre disparaissait à 89 ans Norodom Sihanouk. Traité en Chine régulièrement
pour des affections récurrentes essentiellement liées à son âge, l’ancien
monarque du Cambodge s’est éteint dans un hôpital de Pékin.
Généralement
présenté dans les médias comme « changeant » en politique, éclectique
dans ses goûts et ses occupations, cet ancien élève du Lycée Chasseloup-Laubat
de Saïgon est surtout controversé pour ses liens avec la Chine communiste et sa
caution – très temporaire – au régime des Khmers rouges.
3
sept. 1941
Aux côtés de Norodom Sihanouk,
l’Amiral Decoux porte l’urne
funéraire
du défunt roi du Cambodge,
S.M. Sisowath.
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Intronisé
le 28 octobre 1941 sous la protection de la France alors puissance tutélaire,
le jeune souverain reçut des mains mêmes de l’Amiral Decoux – Gouverneur
général de l’Indochine de 1940 à 1945 – la tiare d’or à longue pointe, symbole
royal du pays khmer. Alors qu’ensuite après-guerre l’Amiral Jean Decoux, injustement
accusé et hospitalisé au Val de Grâce, était la cible d’un éprouvant procès d’épuration,
Norodom Sihanouk, lui écrivit le 20 juin 1946 : « … je dirai avec quelle abnégation vous avez, en Indochine, servi
les intérêts supérieurs de la France et avec quelle noblesse de cœur vous avez
assuré, pendant quatre ans, la protection des peuples indochinois contre
l’ennemi. Je suis certain que justice vous sera rendue et que la France vous
considèrera comme un des meilleurs parmi ses fils ».
Dans
ces temps agités où, en métropole et sur fond de représailles aveugles, la
vilénie le disputait à la bassesse, les soutiens de cette qualité furent plutôt
comptés aux hauts responsables français qui avaient été loyaux tant à leur
mission qu’aux autorités légales de leur pays.
Cet
engagement sincère en faveur de l’Amiral Decoux et de son action en Indochine,
qui ne pouvait que déplaire au pouvoir politique alors en place en France,
serait à lui seul une raison bien suffisante – en tout cas pour tous ceux qui
croient encore à la France et à la grandeur de son œuvre au-delà des mers – de
rendre hommage aujourd’hui à la mémoire de S.M. Norodom Sihanouk.
1944
Norodom Sihanouk, en tenue de « Yuvan »,
accompagné de l'Amiral
Decoux,
du Résident Supérieur Gautier et
du Commissaire aux Sports Ducoroy,
passe en revue 15.000 jeunes.
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Il
ne me semble toutefois pas inutile de rappeler aussi que, malgré les
atermoiements et les vicissitudes de ce qui perdura de la geste française en
Asie après 1945, Norodom Sihanouk fut toujours un ami de notre pays. Il fut le
premier souverain d’Indochine à avoir adhéré à l’Union française. Tout en
prônant sur le plan international le non-alignement dans le conflit de
« guerre froide » qui opposait les États-Unis à l’URSS, il tenta
d’appuyer le neutralisme cambodgien – pour éviter à son pays les affres de la
guerre américaine du Vietnam – sur la France qu’il croyait être encore une
vraie puissance, capable de défendre indépendamment ses intérêts et ceux de ses
alliés dans le monde. Pour se faire, en 1966, il invita à Phnom Penh le général
de Gaulle qui, dans un discours resté fameux, l’assura du soutien de l’ancienne
puissance coloniale. Las, comme trop souvent dès qu’il s’agit du verbiage –
certes flamboyant – gaullien, ce ne fut qu’une posture, et Norodom Sihanouk fut
renversé en 1970 sur l’initiative des Américains devant une France devenue
impuissante.
L’action
politique, militaire et diplomatique qu’il mènera ensuite de 1970 à 1991, lors
de son retour au Cambodge qui voit sous son impulsion la restauration de la
monarchie, appartiennent à l’Histoire asiatique. Habile tacticien et fin
stratège, la souplesse de sa démarche ainsi que l’amour irréfréné que ce
prince, dans toute la noblesse du mot, a toujours voué à ses sujets – qui le
lui rendent bien en l’appelant affectueusement « Monseigneur Papa » –
font de lui l’exemple d’une conduite de ce que d’aucuns sous d’autres cieux
nommeraient un « pragmatisme organisateur » et un « nationalisme
intégral ». L’un des très rares hommes d’État des XXe et XXIe
siècles à avoir rétabli les institutions naturelles propres à protéger
durablement son peuple, maurrassien sinon dans ses affirmations du moins dans
son action, Norodom Sihanouk reste à mes yeux un modèle dont nos responsables
politiques nationaux feraient bien de nos jours de s’inspirer.