dimanche 6 janvier 2013

2013 : gare au délit de bonne gueule !

Publié le 4 janvier 2013 sur le site Boulevard Voltaire
 
Dès le 1er janvier, dans le poste et au 20 heures de France 2, nous étions fixés. De notre sémillant David Pujadas, le message était limpidement viril : point de quartier cette année pour la délinquance !
 
  
Après le vivifiant rappel du courage politique consistant à oser publier le chiffre des voitures brûlées en cette Saint-Sylvestre, l’annonce corrélative du score officiel ainsi sacralisé et celle, plus modeste, du nombre des interpellations subséquentes, reportage était lancé sur la prévention des incivilités et délits sur ce qui tient lieu de « plus belle avenue du monde » dans toute rédaction qui se respecte et, concomitamment en période de cotillons, de référence obligée pour les méfaits en tout genre.

Et là, que pertinemment bien choisi, bel et instructif exemple nous fut donné !

Un brave couple français très ordinaire rapportant comment un zélé pandore s’était emparé de leur bouteille de champagne imprudemment pétillante pour la précipiter dans la poubelle la plus proche. Motif du martial assaut : consommation d’alcool prohibée sur la voie publique.

Eh oui, oyez bonnes gens, la loi est la loi, et, nonobstant la mine contrite de nos modestes fêtards douchés par cette ferme tolérance zéro, elle s’applique à tous. Circulez, y’a rien à voir, la France hollandaise est impitoyable pour les fauteurs de troubles.

Gageons donc que dans toutes les « cités », plus une canette de bière ne moussait alors dans l’espace collectif, plus une boutanche de vodka n’y était sifflée impudemment par sa candide jeunesse – d’autant qu’il fallait bien en garder pour la tradition festive des cocktails Molotov –, qu’en un mot la vertueuse maréchaussée de monsieur Hollande-président aura assuré un paisible réveillon à tout un chacun ayant écouté d’une oreille attentive les vœux apaisants du susdit.

Mais au JT, ce n’était pas le sujet du soir.

Car il ne faudrait quand même pas confondre la société – pour laquelle le maintien de l’ordre coule de source – avec ses « victimes ». Pour celles-ci, repentance, assistance et privilèges sont les trois mamelles de notre république. Pour ces brimés de naissance qu’une démarche par trop exotique condamnerait à perpète au délit de sale gueule, d’infractions que nenni, seulement de vibrants appels au secours. Il n’est que d’écouter la litanie des spécialistes qui s’égrènent sur le même JT pour s’en persuader.

Alors les réglementations et contraintes de tout acabit dont notre bonne gueule est tous les jours davantage accablée ne les concernent ni peu ni prou. Qui peut croire sans rire que, dans ces fameuses cités où s’échangent ouvertement shit et kalachnikovs dans les halls d’immeubles, l’interdiction de fumer, pour ne prendre que celle-ci, est respectée !

Et qu’adviendra-t-il en cette année de bonnes résolutions policières où, à Paris, l’abandon de détritus sur la voie publique sera durement sanctionné ? Pour sûr, au marché de Château-rouge, entre les capots des voitures servant d’étals aux fringues colorées et les cartons recyclés en tapis de bonneteau, on doit trembler. Et si l’on s’en tient à la station de métro afférente, croit-on un seul instant qu’on y arrêtera soudainement la cohorte quotidienne des fraudeurs qui s’y engouffrent impunément ? Le gyrophare qui égaye quelques degrés plus haut le coin du boulevard Barbès rappelle pourtant que l’endroit est classé « zone de sécurité prioritaire ».

Mais qu’en sera-t-il de la petite mémé qui oubliera de ramasser la crotte de son caniche sur le trottoir du 7e arrondissement, ou du naïf touriste qui, ses achats en bandoulière, aura omis de conserver sur lui son ticket et qu’un contrôleur tout aussi zélé que notre pandore des Champs aura repéré comme client solvable à la station Louvre ?

Si en ces temps de vaches maigres hollandaises le délit de sale gueule ne fait plus recette, celui de bonne gueule offre assurément de plus riches perspectives.