Du 16 octobre 2013 au 26 janvier 2014, au Musée de l’Armée.
Hôtel des Invalides.
Très belle exposition, à ne surtout pas manquer. Site de l’exposition.
Si la période annoncée, 1856 – 1956, permet d’explorer « 100
ans de présence militaire française en Indochine », l’exposition dans son
tout rappelle les premières interventions de la France dans cette région du
monde sous le règne de Louis XIV et débute réellement avec l’action de l’évêque
d’Adran, Monseigneur Pigneau de Béhaine qui, à la fin du XVIIIe siècle, permit
au roi Nguyen-Anh de reconquérir son trône de Cochinchine. Devenu, après
l’annexion du royaume du Tonkin, empereur d’Annam, Nguyen-Anh prit alors le nom
de Gia-Long et s’entoura de conseillers français, des porteurs de sabre acquis
à sa cause dans le sillage de l’évêque d’Adran, qu’il promut mandarins. L’exposition
présente ainsi les portraits en habits annamites de ces conseillers très spéciaux
à la cour de Hué, qui seront de fait les premiers artisans de cette présence
militaire en Indochine.
S’ensuit une kyrielle de documents rares, d’objets
précieux et symboliques, d’armes, d’uniformes, de pavillons et de tableaux
remémorant les grandes heures de la Conquête. S’enchaînent les affiches
commerciales et politiques de l’Indochine, l’évocation littéraire, en photos et
en films inédits d’actualités ou de particuliers de l’œuvre coloniale de la France, des oppositions et des
opérations policières et militaires qu’elle suscite, et ce jusqu’à la signature
des accords de Genève et le départ des troupes après le désastre de Diên Biên
Phu. La grande saga de la France en Indochine, qui allait lui offrir la
« perle de son empire », est ici remarquablement et fidèlement
restituée jusqu’à son terme.
Seul bémol peut-être, le passage trop rapide sur
le gouvernorat de l’amiral Decoux. On y exonère un peu vite le gouverneur
précédent, le général Catroux, de sa responsabilité dans l’installation des
Japonais dans la colonie, et l’on occulte concomitamment le rôle de Decoux pour
désamorcer autant que faire se pouvait la nocivité de cette présence imposée en
qualifiant hâtivement sa politique de « collaboration ». De même,
n’est-il pas fait mention du conflit franco-thaï qui vit pourtant un des plus
beaux faits d’armes de notre armée dans les circonstances difficiles où elle se
trouvait alors dans ces territoires lointains : la bataille de Koh Chang du 17
janvier 1941, seule victoire navale flotte contre flotte de la France au cours
des deux guerres mondiales. Si l’exposition n’omet en rien les exploits de
l’amiral Courbet dans les hostilités qui l’opposèrent aux Chinois dans les
années 1880, c’est ici faire bien peu de cas de la vaillance de nos marins
d’Indochine dans ce conflit oublié, dont certains sont aujourd’hui encore bien vivants.
Mais cette concession à l’imagerie officielle de l’histoire de nos armes était
sans doute inévitable dans une manifestation placée sous le patronage du
Ministre de la Défense et elle n’est, somme toute, que peu de chose au regard du
remarquable travail accompli par ses organisateurs. Ne boudons alors pas notre
plaisir. Plongeons sans retenue dans cette geste impériale ressuscitée et
imaginons-nous le temps de cette superbe exposition, entre chasses au Tonkin et
promenades en pousse-pousse boulevard Charner, évoluer comme avant au sein de
cette Indochine mythique.
Une belle initiative, donc, d’autant qu’elle
s’entoure tout en son long de conférences, projections et concerts proposés en partenariat qui en
renforcent encore la densité.