Billet publié dans le n° d'août 2013 du magazine Gavroche
Alors que le libre-échange des biens et des personnes s’est imposé comme le catéchisme missionnaire de ce nouveau credo qu’est aujourd’hui l’universalisme marchand, il apparaît logique que le tourisme, dans sa perception purement comptable, en profite. Ainsi croît-il rapidement dans la plupart des pays rentrés dans la mondialisation.
Avec plus de 80 millions de visiteurs étrangers par an, la
France s’enorgueillit d’une première place sur le podium. Mais avec 28 millions
de touristes espérés pour cette année, la Thaïlande, toute proportion gardée,
n’est pas en reste. Doit-on se réjouir pour autant de l’incontestable manne
financière que cette transhumance sans frontières procure à nos deux contrées,
d’origine et de cœur ?
Car, du moment que les devises rentrent, peu chaut à ses
promoteurs que l’on visitât le Louvre en bermuda, le « coke » d’une
main et le chiard hurlant de l’autre. Confondu dans la même déshérence
culturelle qui frappe indistinctement nos palais comme nos cathédrales, le
fruit du génie français se doit d’être arpenté par le plus grand nombre, dans
un parcours fléché où « l’arrêt boutique » est aussi incontournable
que la case « prison » du Monopoly. L’essentiel est de faire des
entrées, et concomitamment du commerce, puisqu’il semble que la conservation de
notre mémoire patrimoniale soit de nos jours à ce prix.
Et si l’on peut reconnaître à la Thaïlande un peu plus de
tenue dans ses musées et pagodes où un code vestimentaire minimal est au moins
exigé dès l’entrée, elle n’en est pas pour autant exempte de toute licence
blâmable en matière de vénalité.
Quant aux parcs à thèmes français qui, entre Disney et la
réserve d’Indiens de la Mer de sable, caracolent, paraît-il, en tête des
destinations prisées de l’hexagone, ils ne devancent que de peu les excursions
chez les minorités des confins birmans et laotiens, qui s’apparentent désormais
davantage à l’entretien lucratif d’un folklore ethnique qu’à une véritable
découverte de terres et de peuples autrefois préservés.
Nonobstant ce constat partagé des deux côtés du globe d’un
tourisme contemporain massifié, dans sa grande majorité plus proche du
vagabondage fiévreux de consommateurs inassouvis que de l’itinéraire
soigneusement élaboré de voyageurs pénétrés d’un réel intérêt pour le pays
visité, on pourra toujours noter la communauté de vue quant aux objectifs
affichés : montée en gamme et écologie. Clientèle plus classieuse et
ripolinage vert, ça ne mange pas de pain et ça enjolivera à peu de frais les
affiches des offices du tourisme.
Mais pour la France, l’analogie avec la Thaïlande s’arrête
là.
Car, au vu de l’insécurité grandissante qui y sévit, on peut
s’attendre, côté tourisme, à quelques déconvenues.
Volés en plein Paris de leurs achats par des gangs de « mendiants-quêteurs »,
carottés de leur monnaie au Louvre, rackettés aux distributeurs de billets et
brigandés dans le métro, quand ils ne sont pas tout bonnement molestés sur un
boulevard pour un portable un peu trop voyant, les touristes en mal de
romantisme tricolore, nos hôtes asiatiques en particulier, son servis.
Avec 29.000 plaintes recensées ces douze derniers mois pour
agressions diverses, dont 20 % émanent de citoyens chinois, nos visiteurs ne
sont pas à la fête.
Même le Comité Colbert, prestigieuse association des
industries du luxe, s’est alarmé de la perte d’attractivité de notre beau pays
pour les riches touristes venus d’Asie, réclamant vertement au préfet de police
de bien vouloir s’occuper un peu de la sécurité dans la capitale.
Plus besoin en effet de se rendre à la Mer de sable pour se
retrouver au Far West. Les joyeux feux de camp de nos cités commencent à
roustir sérieusement les abords de la tour Eiffel. Et les signaux de fumée se
voient jusque chez les gouvernements étrangers qui mettent dorénavant en garde
leurs ressortissants.
Mais pas sûr que nos amis thaïlandais puissent goûter pleinement
des charmes de nos séjours thématiques. Car à moins de montrer patte blanche en
bonne monnaie sagement entassée dans de ventrus comptes bancaires, l’obtention
du fameux visa Schengen relève du jeu de piste dans les dédales d’une
administration consulaire particulièrement tatillonne.
C’est qu’il ne faudrait pas, ma bonne dame, qu’il prenne
l’envie à ces Siamois de planter chez nous leurs pénates ! C’est
vrai, des fois qu’ils s’y plaisent. Ils pourraient alors rejoindre les gros
bataillons d’immigrants illégaux qui profitent en toute quiétude de nos
avantages sociaux.
On a le tourisme qu’on peut.